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Le Concours Carto d’Actualité 2023 est lancé ! Pour inscrire vos classes voici les documents nécessaires :

Informations pratiques 

Dossier enseignant

Dossier élève

 

 

 

 

Interview Charles Thiefaine par les élèves de 4ème F du collège Paul Éluard de Gennes (49)

 

 

 

 

 

 

Présentation personnelle et professionnelle …

 

 

Qui êtes-vous et quel est votre métier ?

Je m’appelle Charles Thiefaine, j’ai 31 ans, je suis photographe et journaliste et je travaille au Moyen-Orient depuis 2014 principalement en Irak, mais aussi au Liban, en Syrie, en Afghanistan, au Yémen (Socotra) ou en Israël.

Pour quels journaux travaillez-vous ?

En Irak j’étais correspondant pour Le Figaro, mais en tant qu’indépendant, j’ai travaillé pour de nombreux journaux et magazines : Libération, Le Parisien, L’Obs, Marie-Claire, Le Monde ou encore le Washington Post… Au début, c’est moi qui proposait des idées de sujets aux journaux et petit à petit à force de collaborer, ils commencent à me connaître et ce sont eux qui me contactent et me commandent des sujets de reportage, du coup maintenant c’est du 50/50.

En 4ème vous vouliez faire quoi ?

Je ne savais pas du tout ce que je voulais faire, j’ai fait un stage d’une semaine en 3ème chez un dentiste ! Après le bac j’ai intégré une école d’architecture en Belgique que j’ai arrêtée au bout de 2 ans puis j’ai intégré une école de journaliste à Paris.  Je pense que c’est une bonne façon d’intégrer ce milieu, beaucoup de journaliste ont une spécialité et font donc une licence en rapport avec leur spécialité. L’architecture m’a permis d’avoir un regard différent pour faire de la photographie.

Qu’est-ce qui vous à donner envie de faire ce métier ?

Le métier de journaliste vient de ma curiosité, découvrir des histoires et les raconter. Ce n’est pas forcément toujours de l’actualité mais le fait de raconter des histoires et de rencontrer des gens. Le spectre est très large, moi ce que j’aime, c’est le reportage : aller sur le terrain et découvrir des histoires et des personnes.

 

 

 

 

 

Les conditions du reportage à Socotra …

 

 

 

Quelle relation avez-vous eu avec Madjid Zerrouky ?

L’article choisi pour le Concours Carto d’Actualité est un portfolio c’est-à-dire un reportage basé sur des photographies, pour le magazine du journal Le Monde, M le Mag. J’ai été interviewé par Madjid sur ce que j’ai fait et vu à Socotra et ensuite il a rédigé l’article.  On ne s’est jamais rencontrés, il travaille au journal Le Monde et couvre l’actualité du Moyen Orient dont le Yémen.

Est-ce que vous vous faites aider pour réaliser un reportage ?

Quand je me suis rendu à Socotra, j’y suis allé seul, mais je travaille avec des journaux et magazines qui ont des éditeurs qui vont perfectionner ce que j’écris. De plus mes informations viennent toutes de quelque part : de mes observations personnelles, des interviews de personnes sur place mais j’ai aussi parfois besoin d’experts pour donner des informations sûres ou pour vérifier les miennes.

Vous êtes parti combien de temps pour faire ce reportage ?

Pour réaliser ce reportage je suis parti un mois en novembre 2021. Passer du temps sur place m’a permis de prendre mes marques et de rencontrer des gens. Quand je ne connais pas un lieu de reportage, il me faut une semaine avant de savoir quoi raconter. J’ai aussi profité de mon séjour pour donner des cours d’anglais dans une école ce qui m’a aussi permis de découvrir la manière dont vivent les socotris et de mieux les connaître.

Pour mon prochain reportage, en décembre 2022 je n’y vais que quinze jours, car je sais quoi et qui voir.

Comment se fait ce type de reportage ?

C’est un endroit où j’ai eu beaucoup d’inspiration et la principale difficulté c’est de synthétiser tout cela et de savoir ce qui est intéressant pour le public, comment le raconter pour que cela rentre dans un article. Dans un premier temps, j’amasse pleine d’infos un peu au hasard, des photographies, des interviews. Ensuite je commence à écrire avant de rentrer en réfléchissant à la manière dont je vais raconter mon histoire puis je synthétise le tout.

Le reportage sur Socotra …

Est-ce que les dragonniers sont de grands arbres ?

Il y a des dragonniers de toutes les tailles, ils peuvent vivre plusieurs centaines d’années. Dans la forêt de Firmhin, un lieu qui concentre la majorité de ces arbres il y en a beaucoup qui sont très larges mais pas forcément très hauts. Les bergers et gens qui vivent dans cet endroit s’abritent du soleil en dessous d’eux.

Cet arbre est-il un symbole de l’île de Socotra ?

C’est un vrai symbole, il possède des vertus médicinales connues depuis longtemps et pour cela, c’est un emblème. Il génère aussi une activité économique : un avion atterrit par semaine depuis Abu Dhabi (Émirats Arabes Unis) avec des personnes intéressées par l’étude scientifique et biologique de ces arbres. Il existe même une agence touristique sur place liée à ces arbres où le dragonnier est présenté comme quelque chose à découvrir.

Comment sont les habitants de Socotra ?

Pour commencer à Socotra, il y a entre 60 000 et 90 000 habitants il y a les natifs de l’île et ceux qui viennent du continent pour fuir la guerre ou pour venir chercher un travail. Pour les natifs, ils parlent un dialecte assez proche de l‘arabe et c’est une population très jeune. La plupart des habitants de Socotra vit de l’élevage et surtout de la pêche. Dans chaque famille on sait pêcher. Les socotris sont très proche de la nature, qui est à la fois un moyen de vivre mais aussi une frontière avec le continent pour la mer.

Pourquoi utiliser le terme de « gravité » pour qualifier la jeunesse yéménite dans l’article ?

Ce terme n’est pas moi, mais Madjid l’a peut-être utilisé pour qualifier la situation de la population sur l’île. Le Yémen est en guerre depuis 2011 et la jeunesse tente de composer avec ce contexte et c’est peut-être pour ça.

Vous la sentez malheureuse la jeunesse ?

Non, moi je ne dirais pas qu’elle est malheureuse loin de là, c’est étonnant d’ailleurs de notre point de vue de Français, car pour nous les gens qui vivent dans ce contexte devraient être malheureux. Les premières préoccupations de cette jeunesse c’est de trouver un travail, un mari ou une femme, s’amuser. Le contexte est là, mais les gens composent avec lui. Les photographies montrent d’ailleurs une vie « banale ».

Quel est le niveau de santé des habitants sur l’île ?

Il y a un hôpital dans la ville principale financé par les émirats arabes Unis dans lequel il y a des médecins de Socotra mais aussi de nombreux médecins étrangers étranger comme des égyptiens. Il n’y a pas d’université donc le très peu de médecin de Socotra sont partis étudier sur le continent ou à l’étranger pour revenir ensuite y travailler. Pour combler ce manque il y a des médecins qui viennent d’ailleurs.

Quels sont les témoignages les plus marquants que vous avez entendu sur place ?

Parmi les photographies, il y a celle d’Ibrahim et sa bande de copains originaires de Tahez une ville en proie à beaucoup d’affrontements, il est parti avec ses amis pour travailler dans un restaurant à Socotra pour fuir la guerre, trouver du travail et mener une autre vie plus paisible. Ils m’ont raconté lui et Mohammed leur traverser du continent jusqu’à l’île sur 400km d’océan. Ils sont montés dans un bateau alors qu’ils ne savaient pas nager. Le premier jour a été tranquille, mais le second une tempête a éclaté dans la nuit, la mer était agitée et ils ont essayé de dormir pour que le trajet passe plus rapidement et ne pas avoir peur. Au petit matin de la deuxième nuit, ils se sont réveillés et avaient Socotra en face d’eux, ils avaient l’impression d’être arrivé au paradis.

Il y a aussi des gens qui ont moins de moyens et qui montent dans des petits bateaux de pêche pendant 2 jours et 2 nuits. C’est très dangereux et risqué.

L’île, est-elle protégée ? La présence de la guerre est-elle visible ?

Oui, mais ce n’est pas un bon signe, on voit de plus en plus de personnes armées alors qu’il y a quinze ans il n’y en avait presque pas. Les militaires sont à la fois ceux qui peuvent être responsables de la guerre et ceux qui peuvent en préserver l’île, mais on en voit beaucoup, du Yémen et de plus en plus à Socotra qui sert de base arrière au Conseil de Transition du Sud (CTS) un des acteurs de la guerre civile depuis 2017.

Ce qui les préserve, c’est la distance liée à la mer. Les Socotris n’ont pas vraiment d’intérêts sur le continent, s’ils rejoignent un groupe armé, c’est pour le salaire

L’île se sent elle yéménite ?

Certains sont fidèles au gouvernement et agissent à leur côté d’autres ne se sentent pas yéménites sont fatigué des conséquences économiques de la guerre et ces gens revendiquent l’indépendance de l’île et soutiennent les Émirats Arabes Unis et les groupes indépendantistes. Ils n’ont plus l’espoir que le gouvernement les aide donc pour beaucoup la porte de sortie, c’est la présence émiratie.

La présence des Émirats Arabes Unis est liée à la position stratégique de l’île et chacun tente de dessiner un collier de perles et pour cela les émirats financent de manière officieuse un groupe politique indépendantiste, car en les finançant, ils ont leur soutien et les émirats pourront s’implanter.

Quelles sont les activités économiques majeures sur l’île en dehors de la pêche ?

Il y a des commerces qu’on retrouve partout comme des épiceries.

ON trouve également tous les métiers de services : hôpitaux, la centrale électrique sur le port, dans le tourisme avec de plus en plus d’agences touristiques. Il y a aussi des programmes liés à l’environnement, l’île est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, cela permet la mise en place de programme de l’ONU pour la protection de l’environnement. Des Socotri sont partis étudier la biologie et sont revenus pour y étudier et protéger l’environnement.

En quoi consiste le tourisme sur l’Île de Socotra ?

Il y a très peu d’infrastructures touristiques avec un seul hôtel dans la ville principale d’Hadiboh. Pour les touristes c’est toujours le même parcours, ils arrivent le lundi en avion, des voitures viennent les chercher avec des équipements de camping et partent du côté de la Baie de Qalansiyah où l’on peut pêcher et observer les poissons, ensuite c’est la découverte de la forêt et ils descendent dans un canyon et remontent de l’autre côté pendant 2-3 jours ensuite ils vont vers Homhil où l’on trouve les fameux arbres bouteilles. Certains viennent faire de la plongée sous-marine. Ce sont des vacances assez sportives avec des visites de lieux naturels sur la côte ou dans la forêt.