Abidjan. Une métropolisation « à l’africaine »

Grand Bassam, à une quarantaine de kilomètres à l’ouest d’Abidjan, à l’extrémité de la lagune, est le lieu de la première installation française sur cette « côte de l’ivoire » au XVIIème siècle. Progressivement dans les années 1840, les Français font de Bingerville, plus salubre, le siège de l’administration coloniale mais ce choix, à l’intérieur de la lagune, limite les possibilités portuaires. En effet, la Côte d’Ivoire, érigée en colonie en 1893, doit disposer d’un port, terminus de la ligne de chemin de fer Abidjan – Niger construite entre 1903 et 1912. Reliant la Haute-Volta (Ouagadougou) à l’océan Atlantique, elle s’inscrit dans la mise en valeur coloniale. Abidjan, créée entre 1931 et 1933, devient ce port. La ville réunit alors les quartiers du Plateau, de Treichville et d’Adjamé.

Le centre de la ville renouvelé par la métropolisation

La mise en valeur coloniale poursuivie après l’indépendance en 1960 durant le « miracle ivoirien » fonde les premiers espaces de la métropole abidjanaise.

Le port et l’aéroport : deux interfaces avec le monde

 

Le port. L’image satellite montre l’ampleur de l’emprise spatiale de la zone industrialo-portuaire d’Abidjan. Construit en face du Plateau à Treichville à proximité de la gare de marchandises, le premier port déploie ses quais en forme de L. L’ouverture du canal de Vridy en 1952, reliant la lagune à l’océan Atlantique, permet la création d’un port en eaux profondes. Depuis Vridy à l’extrémité sud jusqu’à Treichville, s’étale le premier port d’Afrique de l’Ouest. L’industrie ivoirienne (raffinage de pétrole, centrale thermique, cimenterie …) s’est implantée dans ce corridor particulièrement au sud. Dans le prolongement du premier port, d’autres quais ont été aménagé : un port de pêche (premier port thonier d’Afrique) puis un terminal dédié aux conteneurs. Un second terminal est en construction, de part et d’autre de la zone industrielle de Treichville, associé à de puissantes infrastructures logistiques.

Le port, traitant 30 millions de tonnes de marchandises et environ 800 000 conteneurs en 2021, est un établissement public mais les intérêts privés, notamment le groupe Bolloré, sont très présents. Son développement s’appuie sur son hinterland vers l’Afrique soudano-sahélienne mais aussi sur l’objectif de devenir un hub de redistribution vers d’autres ports dans le golfe de Guinée (Lagos, Lomé, Tema …). C’est ce qui explique le doublement de la capacité pour les conteneurs.

L’aéroport. Un second espace, au sud-ouest de l’image satellite, illustre l’héritage colonial, l’ouverture sur le monde et la fonction métropolitaine. Le quartier de Port Bouët, situé dans le prolongement de Vridy le long de l’océan, héberge l’aéroport international. Construit durant le « miracle ivoirien » dans les années 1970, à l’origine en périphérie de l’espace urbanisé, l’aéroport Félix Houphouët Boigny – FHB -, s’étend de l’océan à la lagune. Recevant plus de 2 millions de passagers en 2021, il a été profondément affecté par la crise ivoirienne.

Il est connecté au reste de la ville par deux voies majeures : l’autoroute A 100 au sud et le boulevard de l’aéroport ; les deux étant séparés par un vaste espace clos. C’est la base militaire de Port Bouët, forte de 950 hommes, essentiellement armée par le 43ème Bataillon d’Infanterie de Marine (BIMA). Née des accords de défense et de coopération entre la France et son ancienne colonie dans les années 1960, renouvelés en 2012, elle reste une pièce majeure du dispositif stratégique français dans son ancien pré-carré. Elle permet à la fois le contrôle et l’emploi de l’aéroport (notamment lors de la crise ivoirienne) et des liaisons rapides vers le port (par exemple pour les opérations Serval et Barkhane).

 

 

 

 

 

 

Un centre, le Plateau, vitrine du « miracle ivoirien »

Née de la colonisation, entre 1931 et 1933, Abidjan est double à l’origine : au sud, Treichville est une ville « noire » alors qu’au nord le Plateau incarne la « ville blanche » des colons ; la lagune marquant la séparation. Le quartier du plateau forme une avancée dans la lagune entre les baies de Banco et de Cocody. Les colons le découpent dans un plan quadrillé autour du boulevard de la République. C’est le quartier du pouvoir politique, économique et culturel que l’Etat ivoirien renforce après l’indépendance en y concentrant la plupart des investissements. Deux boulevards à plusieurs voies le ceinturent et permettent de rejoindre le quartier d’Adjamé au nord et de traverser la lagune par deux ponts vers l’île du Petit Bassam au sud.

Surnommé le « Manhattan africain », le Plateau, dès les années 1970, se caractérise par sa « silhouette urbaine » symbole de la réussite du pays. En effet, le quartier est le siège du pouvoir politique (Palais présidentiel, Assemblée Nationale, Ministères, Ambassades), des institutions internationales mais surtout du pouvoir économique né de la rente végétale. De nombreux gratte-ciels, pour la plupart datant des années 1970 – 1980, hébergent les institutions financières, les grandes entreprises ivoiriennes et internationales. L’Etat a aussi bâti des bâtiments de prestige : la cathédrale Saint Paul au nord-est et le stade Felix Houphouët Boigny le long de la baie de Cocody. Cette centralité s’est maintenue et se renforce depuis le retour de la croissance après 2011 par un vaste plan de réhabilitation et d’investissements notamment dans la tour F.

La trame urbaine planifiée, autre héritage colonial

Aussi bien au Nord, entre le quartier du Plateau et l’autoroute, qu’au sud sur l’ensemble de l’île du Petit Bassam dans la lagune, le colonisateur a légué une trame parfaitement orthogonale. A Adjamé, au nord du Plateau, mais surtout au sud à Treichville, à Marcory, à Koumassi, les rues sont rectilignes. De grandes artères de circulation, le boulevard Abrogoua à Adjamé où se trouve la principale gare routière, les boulevards De Gaulle et Giscard d’Estaing à Treichville, Marcory et Port Bouët II séparent les fonctions urbaines entre l’habitat, les principaux marchés et les zones industrielles. Ainsi, comme le montre l’image satellite, l’île dans la lagune est divisée en deux, de part et d’autre des grands boulevards, entre les espaces de production (le port et les zones d’activités) et les espaces d’habitation.

Le colonisateur avait commencé à lotir avec des logements sociaux le quartier de Treichville. Les avenues, d’est en ouest, et les rues, du nord au sud, simplement numérotées, définissent des îlots d’habitation. De petits immeubles et des maisons à cour partagées sont construits pour accueillir des migrants. En effet, dès l’origine, la ville manque de main d’œuvre. Située dans une lagune peu peuplée, proche d’une forêt dense au peuplement très diffus, Abidjan se nourrit de migrants venant des colonies françaises : les ethnies Sénoufos, les Malinké, les Dioulas, les Mossis venant du nord du pays, du Mali et de l’actuel Burkina Faso peuplent la ville « coloniale ».

L’État ivoirien poursuit la même politique après l’indépendance : il cherche par un programme d’édification de logements et d’aménagements (marchés, hôpitaux, écoles …) à les accueillir mais la crise, à partir des années 1970, réduit drastiquement ses possibilités. A la fin du « miracle ivoirien », avec l’instauration des plans d’ajustement structurels, la métropole continue sa croissance sans l’Etat. L’informel, l’habitat précaire, les ségrégations … deviennent des objets communs à Abidjan.

L’affirmation d’une métropole « africaine »

Abidjan compte environ 180 000 habitants lors de l’indépendance en 1960. La population atteint le million en 1975 sur une surface de 3 700 hectares. Dans les limites du district autonome d’Abidjan, créé en 2001, la métropole compte aujourd’hui 6,3 millions d’habitants sur 374 000 hectares. Elle regroupe plus de 20 % de la population du pays et représente les deux tiers de son PIB.

L’émergence d’une classe moyenne

La métropole s’est considérablement étalée en poursuivant la dichotomie coloniale

 

Cocody. Ainsi, à l’est du plateau, le long du boulevard de France, Cocody est originellement un quartier résidentiel aisé. Cette orientation s’est maintenue puisqu’entre l’autoroute du Nord, le boulevard François Mitterrand et la lagune se déploie un vaste quartier résidentiel, de presque un demi-million d’habitants où logent l’élite politico-administrative du pays, les expatriés et une classe moyenne naissante. L’image satellite présente, dans cette partie de la ville, un vaste ensemble d’habitats pavillonnaires, d’espaces verts associés à des constructions destinées aux classes sociales supérieures : le complexe hôtel Sofitel Ivoire au sud, l’Université Felix Houphouët Boigny à l’est proche des deux axes de communication majeure, le golf au sud-est … Cette ville « émergente » s’étale en direction de Bingerville à l’est vers l’extrémité de la lagune dans le quartier de Riviera et au nord, le long du boulevard des martyrs dans le quartier de Deux Plateaux.

Treichville et Marcory.  L’affirmation de cette classe moyenne abidjanaise marque l’espace dans Cocody mais aussi dans Treichville et Marcory. En effet, les deux quartiers sont reliés depuis 2014 par le pont Henri Konan Bédié qui prolonge l’autoroute C2 et rejoint le boulevard Giscard d’Estaing. Dans les années 1970, les hypermarchés et les centres commerciaux étaient localisés dans le quartier du Plateau.

Depuis le retour de la croissance, ces espaces, témoignages de la mondialité et de la modernité, se sont déplacés à Cocody, à Riviera et surtout le long du boulevard Giscard d’Estaing notamment vers les deux échangeurs principaux. De vastes complexes, visibles sur l’image satellite, le long des axes de communication, reçoivent de nombreuses enseignes occidentales mais ils appartiennent le plus souvent à des capitaux ivoiriens et à la minorité syro-libanaise, autre héritage de la période coloniale. La communauté chinoise commence aussi à implanter des malls par exemple au nord de Yopougon.

L’agriculture urbaine et périurbaine, le vivrier marchand

La métropole s’est largement étalée, à partir de son centre originel depuis les années de crise (1970 – 1980), au nord dans les quartiers d’Abobo et d’Anyama, à l’ouest vers Yopougon et l’île Boulay et au sud-est vers Port Bouët. La croissance démographique, très soutenue encore aujourd’hui, impose de « nourrir » la ville alors que les possibilités d’importation de l’Etat ont longtemps été réduites.

Comme dans d’autres métropoles d’Afrique de l’Ouest, Abidjan devient une sorte de « desakota » où coexistent habitats diffus et agriculture urbaine et périurbaine. Le maraîchage, le vivrier marchand se sont d’abord implantés dans les interstices de l’urbain (les berges lagunaires, les « bas-fonds », les espaces non constructibles) notamment au sud de Yopougon, sur l’île Boulay, au nord de Port-Bouët.

Les espaces agricoles du vivrier marchand, loués ou occupés illégalement souvent par une main d’œuvre étrangère (venant du Mali et du Burkina-Faso) sont en concurrence d’une part avec l’Etat et d’autre part les promoteurs privés. En effet, l’Etat veut protéger des espaces naturels remarquables comme le parc naturel de la forêt de Banco au nord de l’image satellite, l’île Boulay ou l’île Désiré dans la lagune au nord de l’aéroport. Les promoteurs, face à la croissance démographique (encore 3 % par an), veulent lotir (sans forcément viabiliser) le plus d’espaces dans le district autonome d’Abidjan. Les conflits d’usage sont multiples et souvent teintés d’ethnicités ; ils participent néanmoins à la poursuite de l’étalement urbain vers Bingerville à l’est, Anyama au nord et Songon à l’Ouest, nouveaux espaces de l’agriculture périurbaine.

L’identité abidjanaise, « une mondialisation par le bas »

Les quartiers de Yopougon (1,1 millions d’habitants) dont la partie orientale est visible sur l’image satellite en face du Plateau et celui de Port Bouët, au sud-est au-delà de l’aéroport sont emblématiques de la métropolisation d’Abidjan. Ils sont nés de la volonté de l’Etat d’urbaniser et de viabiliser des quartiers anciennement occupés dans les périphéries. Mal reliés au centre (par l’autoroute A 100 pour Port Bouët et l’autoroute du nord pour Yopougon), séparés par l’aéroport et la baie de Banco, ils ont d’abord reçu des logements publics (petits immeubles) avant que s’y développent des quartiers d’habitats précaires, sans réelles planification ni viabilisation, où viennent s’installer des ivoiriens venant du nord et des populations issus de l’Afrique de l’Ouest francophone. L’emploi est majoritairement voire exclusivement informel.

Abidjan est de moins en moins francophone. Yopougon comme Adjamé ou Treichville sont emblématiques d’une ville cosmopolite africaine marquée par une forte hétérogénéité ethnique et linguistique mais dont le mélange rapide donne naissance à une culture abidjanaise et une identité revendiquée. C’est une voie de la mondialité et de la métropolité : le maquis, petit commerce illégal, le Nouchi, langue des petits délinquants mélangeant français et idiomes vernaculaires, la « rue princesse », quartier festif à Yopougon aujourd’hui fermé … sont autant d’incarnations culturelles de la métropole qui se diffuse en Afrique de l’Ouest et en France. La bande dessinée et le film Aya de Yopougon, succès en Afrique comme en France, témoignent de cette vitalité culturelle.

Dynamiques et renforcement des déséquilibres
La poursuite de l’étalement urbain

La poursuite de la croissance démographique soutenue et la crise de l’Etat expliquent la place de l’habitat précaire dans la métropole, particulièrement dans ses périphéries. Selon l’ONU, Abidjan compte 137 quartiers d’habitats précaires – bidonvilles – regroupant 20 % de la population. Ils sont en partie visibles sur l’image satellite au nord d’Adjamé proche de la forêt de Banco, à l’est de l’aéroport international de Port Bouët, sur la presqu’île en face de la zone industrielle de Koumassi et le long de l’autoroute A 100 en direction de Grand Bassam.

Adjamé et Yopougon, deux vastes quartiers populaires, incarnent ce mode d’habiter. Il est né du manque de logements (sans doute un demi-million pour la métropole) et du droit coutumier sur la terre. Locataires ou installés illégalement, les habitants construisent de l’habitat en dur mais sur des terrains non viabilisés et ne disposant pas des équipements de base. La trame urbaine, par exemple à Yopougon, associe des logements sociaux, des rues orthogonales aménagées et des espaces en apparence moins organisés où la terre rouge, la latérite, est visible. Les quartiers précaires sont marqués par l’informel : le ramassage des ordures, l’assainissement, le petit commerce, la petite restauration (les maquis), les transports (taxis collectifs – les woro-woro – les minibus – gbakas) forment la cohorte des petits emplois urbains.

Le néolibéralisme a voulu les présenter comme un support du développement, ils sont plutôt le reflet des dysfonctionnements, des inégalités sociospatiales et des violences urbaines. Le quartier de Petit Bassam, le long du littoral, à proximité de la raffinerie de Vridy, est l’exemple d’un bidonville profitant d’un interstice urbain répulsif et interdit, ici en raison des risques et de la pollution. Ce quartier de Vridy canal incarne cette pauvreté urbaine persistante en concurrence avec l’extension du port ou des aménagements de loisirs profitant de la plage. Le renforcement des fonctions métropolitaines conduit au déplacement – déguerpissement des populations pauvres dans les lointaines périphéries.

Précarité, déguerpissement et exclusion

La métropolisation d’Abidjan ressemble à celle des autres métropoles d’Afrique : spécialisations fonctionnelles, croissance des inégalités sociospatiales, croissance des mobilités, étalement et difficile différenciation entre l’urbain et le rural. La fabrique de cette ville associe encore l’Etat mais dont l’élite politico-administrative est largement corrompue, les élites économiques qui recherchent la rente, les promoteurs qui répondent aux attentes des classes moyennes naissantes et l’immense secteur informel. La métropole est censée suivre des plans stratégiques mais en réalité plusieurs modèles de production de l’urbain se superposent et s’affrontent.

Des quartiers fermés – gated communities – se développent notamment autour de « Beverly Hills » au sud-est du quartier de Riviera pour l’élite ivoirienne. La croissance démographique amène à un urbanisme spéculatif au centre qui se traduit par une forte hausse des prix du foncier et des « déguerpissements ». Les acteurs publics, souvent corrompus, poussent à cette exclusion des populations précaires des espaces publics, des espaces naturels protégés, des principaux axes de communication. Ils utilisent les « petits délinquants » pour faire fuir les habitants des bidonvilles. Une fois l’espace évacué, acteurs privés et publics les réaménagent pour les besoins de la métropole « moderne » : malls, quartiers résidentiels, éco-enclave destinée aux loisirs, infrastructures de transport … La construction du pont entre Yopougon et le Plateau visible sur l’image satellite ou la construction de la ligne de métro entre Anyama au nord et l’aéroport international sont autant d’occasions de déguerpissement et d’aménagement de nouveaux quartiers adaptés à la métropole mondialisée.

Les déguerpissements, les plans d’aménagement urbains, la construction de nouvelles infrastructures renforcent et alimentent l’étalement urbain. Le vaste espace, situé en périphérie est de l’image satellite, dans le prolongement de Riviera, est en cours d’aménagement. Les anciennes populations sont repoussées vers Bingerville. L’Etat promeut une politique de construction de logements sociaux : 50 000 sont construits par an mais dans les quartiers les plus périphériques et ils restent souvent hors de portée des populations les plus pauvres.

L’enjeu des circulations

Les autorités ne parviennent pas à faire face à la puissance de l’urbanisation et de la métropolisation. L’étalement renforce l’enjeu des circulations et des mobilités.  Le site, atout à l’origine de la ville, est ici contrainte. L’espace lagunaire, vaste et très découpé, nécessite la construction d’infrastructures (des ponts, des canaux …) coûteuses pour permettre les circulations et l’assainissement. Abidjan a conservé le plan de circulation des années 1970 visible sur l’image satellite : l’autoroute A 100 venant de Grand Bassam et du Ghana traverse par de grands boulevards l’ile de Treichville – Marcory – Koumassi pour rejoindre le Plateau et au-delà d’Adjamé l’autoroute du Nord. Adjamé sert de nœud pour rejoindre l’A1 vers le nord (Agboville) et l’autoroute C2, la dernière construite qui avec le pont Henri Konan Bédié permet de rejoindre les grands boulevards. De vastes quartiers comme Yopougon ou Riviera ne sont pas équipés de voies de circulation adaptées à leurs populations.

Les dysfonctionnements urbains qui en résultent sont nombreux : saturation, pollution, dangerosité des routes (et forte mortalité), enclavement voulu ou subi … Les besoins de mobilités sont considérables et ils sont surtout, dans Abidjan et en dehors, l’apanage de l’informel et des taxis brousse. Les autorités nationales comme urbaines renforcent l’offre routière en multipliant les grands boulevards à plusieurs voies, les projets de ponts (pont du Banco, pont de Cocody), les gares routières et les transports collectifs. La future ligne de métro, construite par des intérêts français, débutée en 2018, entre Anyama et l’aéroport international, empreinte le réseau ferré existant et doit desservir 18 nouvelles gares. Une seconde ligne entre Yopougon et Bingerville est projetée à l’horizon 2025. Ce double projet renforce la centralité du Plateau et conduit à de nombreux déguerpissements : la construction des infrastructures permet de « vider des quartiers » pour le remplacer par des logements pour les classes moyennes.

Abidjan, à la faveur de la croissance depuis 2011 (plus de 7 % par an en moyenne) devient une conurbation multipolarisée, marquée par les inégalités et l’exclusion dans un desakota à l’africaine. Des nappes de peuplement diffus sont en rapide transformation par des « mondialisations discrètes ». La métropolisation à l’africaine où se croisent toutes les échelles et de multiples acteurs s’incarne dans l’agriculture périurbaine, l’étalement, l’émergence d’une classe moyenne, la fermeture et les multiples inégalités.